
I l n'y a rien à faire. Il a beau être ministre des finances du cabinet fantôme de David Cameron depuis bientôt cinq ans, George Osborne ne parvient pas à convaincre qu'il a la carrure d'un chancelier de l'Echiquier. Son air juvénile et son présumé manque d'expérience collent à la peau de cet aristocrate de 38 ans.
A mesure que les élections britanniques se rapprochent - elles auront lieu avant le 3 juin - le probable numéro deux d'un gouvernement conservateur apparaît de plus en plus comme le maillon faible de l'équipe Cameron. Et l'économie, qui est au coeur des préoccupations des Britanniques, participe sans conteste à la réduction de l'écart, dans les sondages, entre le leader tory et le premier ministre travailliste, Gordon Brown.
L'orthodoxie de M. Osborne en matière de finances publiques inquiète, tant elle semble dogmatique. Qu'importe que la reprise soit plus fragile que prévu. Qu'importe que la sortie de récession au dernier trimestre 2009 ait tenu à un fil quand les experts attendaient un rebond plus net. Ou que le Fonds monétaire international ait demandé, fin février, aux gouvernements de ne pas casser la croissance hésitante à coups d'économies budgétaires ou de hausses d'impôts, accréditant ainsi la politique de M. Brown. Il faut maintenant, martèle-t-il, réduire le déficit (12,6 % du produit intérieur brut pour l'année fiscale 2009-2010) pour alléger la dette des générations futures.
M. Cameron, lui, a du mal à adapter son programme à une situation économique qui n'est pas celle qu'il avait anticipée. "Nous ne pouvons pas continuer comme ça. Je réduirai les déficits. Pas le NHS (National Health Service)", dit un de ses slogans de campagne, sans que le candidat conservateur soit parvenu à expliquer comment il assainirait les comptes de l'Etat tout en améliorant ses missions. Il apparaît coincé entre deux promesses incompatibles à court terme. Celle de s'attaquer à une dette exponentielle (elle devrait représenter 80 % du PIB d'ici à 2014), la priorité de M. Osborne. Et celle de ne pas renouer avec les pratiques de Margaret Thatcher, qui a mis à terre les services publics britanniques.
En attendant de clarifier sa position, le chef des tories veut convaincre qu'il sait où il va. Et que son équipe économique est au niveau. Il ne rate pas l'occasion de vanter le mérite de son futur chancelier, qui l'a accompagné dans sa prise de pouvoir du parti en 2005 et avec qui il a créé les contours de ce "conservatisme compatissant".
Dans le même temps, il demande à Kenneth Clarke, son ministre du commerce, d'être plus présent. L'ex-chancelier de John Major, qui a tenu les cordons de la bourse entre 1993 et 1997, la dernière fois que le pays est sorti d'une récession, ne peut être taxé d'inexpérience. La présence à ses côtés de cet homme de 69 ans, espère-t-il, rassurera ses concitoyens. Et sera, pour la City, un gage de sérieux.
Car les milieux financiers de Londres, pourtant adeptes des coupes budgétaires, n'arrivent pas non plus à prendre au sérieux M. Osborne. L'indécision de M. Cameron y participe. Mais elle n'est pas seule responsable. On reproche à ce fils de famille de mal connaître la vie des affaires, à l'inverse de ses prédécesseurs conservateurs moulés dans la banque (Nigel Lawson, John Major, Norman Lamont) ou le droit (Geoffrey Howe). On juge qu'en cas de victoire, le nouveau chancelier n'aura pas le soutien de poids lourds au Trésor, affaibli par le départ de plusieurs commis de l'Etat respectés.
Petites erreurs
Et puis, il y a ses réponses évasives, ses analyses sommaires, son approche avant tout politique des dossiers. Sa "légèreté intellectuelle", qui s'ajoute à son manque de courtoisie et de ponctualité, et se mesure à l'aune de toutes ces petites - ou moins petites - erreurs qui émaillent ses discours. Ainsi, à la conférence du Parti conservateur, en octobre 2009, il s'est trompé de 3 milliards de livres sur les économies que ferait faire à l'Etat le report de l'âge légal de la retraite. Il y a peu, il disait aussi que la dernière législature travailliste était la seule dans l'histoire récente à avoir vu le PIB par habitant reculer. A tort : c'était le cas entre 1979 et 1983, a relevé le Financial Times.
Selon ses détracteurs, M. Osborne, qui a étudié l'histoire à Oxford, serait aussi coupable de méconnaître les mécanismes de la finance. Son soutien à la taxe sur les bonus et au plan Obama de séparation des banques d'affaires et commerciales a dérouté. Son euroscepticisme présumé inquiète, au moment où les discussions entre la première place financière européenne et la Commission européenne sont tendues, surtout au sujet des projets de législation sur les hedge funds ou l'assurance. Et quand M. Osborne propose le transfert des fonctions de tutelle des marchés de la Financial Services Authority, très prisée, à la Banque d'Angleterre, peu équipée pour cela, le choeur devient goguenard : "Quel naïf, ce futur chancelier."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire