lundi 8 mars 2010

GDF Suez dispose d'un "trésor de guerre" face à des concurrents plus endettés


GDF Suez détone dans le concert des groupes européens d'énergie - plus lourdement endettés après leurs acquisitions de 2007-2008 et prudents dans leurs investissements. Rien de tel pour la société franco-belge : à l'occasion de la publication de ses résultats 2009, jeudi 4 mars, elle a annoncé la poursuite en 2010-2011 de son plan d'investissement de 10 milliards d'euros par an. Même si elle a récemment tenté d'acquérir le britannique International Power, sa stratégie reste centrée sur la croissance organique.

Le PDG de GDF Suez juge que son groupe a "bien passé la crise, malgré la baisse de l'activité gazière internationale". Gérard Mestrallet souligne qu'il a "la meilleure situation financière de tous ses concurrents" avec un ratio d'endettement de 45,7 % en 2009, inférieur à ceux de l'italien Enel (210 %), d'EDF (130 %) et de l'allemand E.ON (70 %). Il est vrai que ses opérations de croissance sont souvent "sans cash, amicales et négociées autour d'un projet industriel".

Dans un contexte de crise du crédit, de recul des prix et de baisse de la consommation d'énergie, les "Utilities" cherchent à financer les acquisitions réalisées avant la crise. Premier concurrent de GDF Suez en France, EDF doit absorber British Energy, l'américain Constellation Energy et le belge SPE. Soit près de 20 milliards d'euros. Ces acquisitions ont apporté 1,4 milliard de cash-flow opérationnel en 2009, selon EDF, mais elles ont fait passer son endettement de 24,5 milliards fin 2008 à 42,5 milliards un an plus tard.

"Plusieurs groupes ont dépensé leur trésor de guerre en 2007 et 2008 dans des acquisitions transfrontalières", résume Colette Lewiner, directrice du secteur énergie du consultant Capgemini. Si GDF Suez disposait encore de 30,9 milliards d'euros fin 2008, le double de 2006, ce "trésor" a été divisé par presque trois (à 9,3 milliards) pour l'allemand RWE. Il est tombé de 28,2 milliards à 1,5 milliard pour E.ON, de 26,9 milliards à - 11,1 milliards pour EDF et de 12,4 milliards à - 20,8 milliards pour Enel, selon les calculs de la Société générale et de Capgemini.

Patron d'EDF depuis novembre 2009, Henri Proglio refuse de dramatiser un endettement qui reste supportable. "Nous maintiendrons nos investissements à un niveau élevé", indique un porte-parole. Malgré la crise, l'électricien a investi 12,4 milliards d'euros en 2009, dont 7,2 milliards en France ; l'effort avait été de 9,7 milliards en 2008 (5,7 milliards dans l'Hexagone). La prolongation de dix ans des 58 réacteurs nucléaires français, la construction de centrales pour les périodes de pointe et la modernisation du réseau de distribution ne peuvent pas attendre.

Pour EDF comme pour E.ON, Enel ou l'espagnol Iberdrola, l'heure est au désendettement. "Ils annoncent des reports d'investissement", rappelle Mme Lewiner. Elle note qu'E.ON va les réduire de 6 milliards (à 30 milliards) sur 2009-2011 et Enel de 12 milliards (à 32 milliards) pour pouvoir absorber l'espagnol Endesa. Iberdrola n'a dépensé que 4,5 milliards en 2009 au lieu des 13 milliards prévus et son compatriote Gas Natural-Union Fenosa va ramener son effort à environ 12 milliards, loin des 21 milliards inscrits.

Investissements massifs

Tous les groupes se sont engagés dans des réductions de coûts, et beaucoup ont vendu des actifs, parfois sous la pression de la Commission européenne. Elle juge que leur taille et la trop grande intégration production-transport-distribution d'électricité freinent la concurrence. Notamment en France et en Allemagne. Enel a cédé son réseau de ligne à haute tension, comme E.ON, qui va aussi céder sa filiale américaine PowerGen pour 3 à 4 milliards d'euros. La cession partielle du Réseau de transport d'électricité par EDF reste à l'étude.

La crise est passée par là et l'état d'urgence décrété ces dernières années pour construire de nouvelles centrales a été assoupli, sinon levé. L'UCTE, association regroupant les transporteurs européens d'électricité, estime que 20 000 mégawatts (MW) supplémentaires - et non plus 50 000 MW - seront nécessaires d'ici à 2020 pour assurer la sécurité d'approvisionnement du Vieux Continent.

Capgemini maintient qu'à cet horizon, il faudra investir 1 000 milliards d'euros dans les secteurs de l'électricité et du gaz. Des investissements qui, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, devront se faire dans le nucléaire, les énergies renouvelables et les réseaux intelligents permettant de mieux gérer la production et la consommation de courant.

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