
Deux mois et demi après sa censure par le Conseil constitutionnel, la taxe carbone est-elle sinon enterrée, du moins remise à plus tard ? C'est l'impression donnée, sciemment ou pas, par le président de la République, Nicolas Sarkozy, dans son entretien au Figaro Magazine du vendredi 12 mars. "Nous prendrons le temps de la concertation au niveau européen comme au niveau national", y déclare le chef de l'Etat, sans réitérer sa volonté de faire entrer une nouvelle mouture du projet au 1er juillet.
Ce flou laisse ouverte la possibilité d'une entrée en vigueur plus tardive de cet impôt censé modifier les comportements mais qui, au fil d'un feuilleton à rebondissements, est devenu de plus en plus impopulaire dans l'opinion. Vendredi, l'ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin a estimé "que la taxe carbone pose un problème parce qu'au fond, elle n'est pas applicable à court terme en Europe", alimentant ainsi les critiques de nombreux parlementaires de droite, sensibles à la complexité de cette nouvelle fiscalité, dubitatifs sur sa pertinence et inquiets de son impact sur l'opinion.
Officiellement, la création de cet impôt, assis sur les émissions de CO2, est plus d'actualité que jamais. L'Elysée a démenti vendredi soir toute idée d'abandon ou de report d'une taxe dont le principe, à l'été 2009, faisait l'objet d'un large consensus. "Nous avons toujours dit qu'on ferait une concertation. Elle est encore en cours tant avec les industriels qu'au niveau européen. Le calendrier du président n'a pas changé", a-t-on précisé dans l'entourage de M. Sarkozy.
Ce "niveau européen" pose cependant deux problèmes qui pourraient justifier un report de la réforme. Premièrement, la censure du Conseil constitutionnel repose sur le fait que le gouvernement avait décidé d'affranchir du dispositif les grandes industries polluantes soumises au régime des quotas d'émissions européen. Il lui faut donc trouver un moyen de taxer ces entreprises exposées à la concurrence internationale sans affecter leur compétitivité. Or, la solution s'avère techniquement difficile à trouver. "Il existe des contraintes européennes que nous essayons de lever", confirmait, vendredi soir, le ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo. La piste proposée par la sénatrice UMP Fabienne Keller, consistant à rendre payants, avant 2013, 10 % des quotas aujourd'hui gratuits, a été abandonnée avec regret, faute de pouvoir convaincre Bruxelles du bien-fondé de ce système.
LE TEMPS PRESSE
Deuxièmement, il n'est absolument pas à l'ordre du jour d'instaurer en Europe une taxe carbone aux frontières comme le réclame avec persévérance le chef de l'Etat. Si l'idée n'a pas été écartée, elle reste cependant conditionnée à l'issue des négociations climatiques internationales qui vont au moins se poursuivre tout au long de 2010. De même, la réflexion engagée sur la création d'une taxe carbone intérieure au sein de l'Union européenne (UE) se poursuit. Mais la révision de la directive sur la taxation de l'énergie, qui pourrait donner corps au projet, se fera sur un tempo qui ne coïncide pas avec l'agenda français.
Faute de solution européenne, le ministère de l'économie continue donc à réfléchir sur un taux réduit de taxe carbone pour les entreprises. Un prélèvement de 3 à 4 euros par tonne de C02 n'est pas exclu, mais Bercy doit encore indiquer à qui il s'appliquera. Un plafonnement en fonction du chiffre d'affaires, comme cela se fait en Suède, est envisagé. De même qu'une compensation par un crédit d'impôt pour les entreprises les plus vertueuses en terme d'émissions.
A ce jour, rien n'est tranché. Le temps presse. Pour qu'un texte puisse s'appliquer en juillet, il faut qu'il ait été voté au Parlement en juin, discuté en mai et présenté au conseil des ministres en avril, de préférence au début du mois. Il reste donc une quinzaine de jours utiles pour ficeler un projet de loi.
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