lundi 14 mars 2011

Développement durable : la Chine affiche de nouvelles ambitions vertes


La Chine s'est engagée, lundi 14 mars, à réduire son intensité énergétique de 16 % au cours des cinq prochaines années. Réunie pour la clotûre de sa session annuelle, l'Assemblée nationale du peuple, aux fonctions essentiellement symboliques, a adopté le douzième plan quinquennal, feuille de route des orientations du pays jusqu'en 2015. Pour la première fois, la République populaire se dote également d'un objectif de réduction de son "intensité carbone", de 17 %.

Pékin annonce par ailleurs de nouveaux efforts de reboisement en promettant d'augmenter la surface de ses forêts de 12,5 millions d'hectares et se fixe des objectifs contraignants de réduction de 8 % à 10 % des émissions de polluants majeurs des cours d'eau et de l'air.

Le premier ministre, Wen Jiabao, a estimé, lundi, que ces cinq années, au cours desquelles Pékin souhaite voir la croissance ralentir à un rythme de 7 %, contre 10,6 % en moyenne depuis 2006, seront "l'opportunité d'ajuster le mode de développement économique et de régler les déséquilibres, le manque de coordination et de durabilité qui ont prévalu en Chine depuis longtemps".

NE PAS REPRODUIRE LES ERREURS DU PASSÉ

Ce nouvel objectif de réduction de l'intensité énergétique – l'énergie consommée rapportée à la croissance économique – est plus faible que les 20 % fixés pour les cinq années écoulées. Le ralentissement s'explique par le fait que les efforts les plus évidents, tels que la fermeture de petites centrales au charbon ou d'aciéries, ont déjà été réalisés, a jugé Pan Jiahua, du Centre de recherches sur le développement durable de l'Académie des sciences sociales, dans un entretien (à lire en anglais, sur le web).

Ces visées correspondent, toutefois, aux engagement pris par la Chine à la veille du sommet de Copenhague : une baisse de 40 % à 45 % de l'intensité énergétique de la deuxième économie mondiale à l'horizon 2020 par rapport à 2005.

Le gouvernement a annoncé, en février, que le pays avait réussi à réduire de 19 % la consommation d'énergie de la croissance chinoise depuis 2005. A charge donc pour la nouvelle génération de dirigeants qui aura pris le relais de gagner les 5 % à 1 0% restant après 2015.

Cette fois-ci, les planificateurs chinois promettent de ne pas reproduire les erreurs du passé dans l'application du plan quinquennal, héritage de l'économie dirigiste socaliste. Pour atteindre les quotas qui leur étaient fixés par Pékin, des cadres locaux n'avaient pas hésité à recourir à des méthodes radicales dans la dernière ligne droite de l'automne 2010. L'alimentation en électricité avait notamment été coupée dans certaines usines de papeterie et de métallurgie, mettant ainsi leurs ouvriers au chômage technique.

Ces mesures ont été qualifiées "d'excessives" par Zhang Ping, le président de la Commission nationale pour le développement et la réforme, sorte d'hyper ministère de l'industrie. "Nous nous opposerons à de nouvelles coupures, ces incidents sont lourds de conséquences sur la société", a déclaré M. Zhang lors d'une conférence de presse.

"N'ALLONS-NOUS PAS SUREXPLOITER NOS RIVIÈRES ?"

La Chine s'engage également à faire passer à 11,4% la part des sources non-fossiles dans son "mix" énergétique au terme de ces cinq annnées, contre 9,6% à l'heure actuelle. Ces efforts visent à réduire la dépendance historique du pays au charbon, qui couvre encore environ 70% de ses besoins en énergie. En termes absolus, la consommation de charbon devrait toutefois continuer de croître ces prochaines années. Elle a augmenté de 5,3% en 2010.

L'environnementalise Ma Jun se félicite des nouvelles ambitions vertes de son pays, même s'il faudra, selon lui, fixer à terme un pic absolu limitant l'utilisation du charbon. Le fondateur de l'Institut d'affaires publiques et environnementales, basé à Pékin, s'inquiète, par ailleurs, que la course aux énergies dites "renouvelables" se traduise dans les faits par une multiplication des barrages, qui nuisent aux éco-systèmes et rendent nécessaires les déplacements de populations.

La Chine prévoit d'avoir plus que triplé ses capacités hydroélectriques en 2020 par rapport à 2004 et continue d'annoncer de nouveaux projets de retenues, dont la plus haute du monde, au Tibet, alors que l'immense barrage des Trois gorges reste controversé. "N'allons-nous pas surexploiter nos rivières ?" s'interroge Ma Jun.

De même, estime-t-il, le nucléaire doit faire l'objet de précautions en Chine. Alors que l'utilisation de l'énergie de l'atome doit quadrupler d'ici à 2015, il prévient que les risques doivent être pris au sérieux même s'il constate également que pour couvrir les nouveaux besoins du pays "il n'y a pas de solution parfaite, les coûts sont toujours élevés".

Pollution industrielle : la France renvoyée devant la justice européenne


La Commission européenne a décidé lundi 14 mars de renvoyer la France devant la justice pour infraction à une législation de l'UE visant à limiter la pollution industrielle. "La France n'a toujours pas pris les dispositions nécessaires", explique Bruxelles dans son communiqué. Une directive européenne donnait aux pays de l'UE jusqu'au 30 octobre 2007 pour donner de nouvelles autorisations d'exploitation ou réexaminer les autorisations octroyées à certaines installations industrielles à fort potentiel de pollution.

Ces autorisations sont soumises à des conditions permettant de s'assurer que les entreprises s'efforcent de réduire leur pollution. Bruxelles dit n'être "pas satisfaite du rythme du processus de révision" en France, où "au moins 62 installations fonctionnent toujours sans détenir une autorisation qui soit entièrement conforme aux exigences de la directive". Elle a donc décidé de renvoyer Paris devant la Cour européenne de justice de Luxembourg.

Bruxelles a déjà saisi la justice ces dernières années pour des faits similaires contre huit autres pays de l'UE : la Suède, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie, l'Espagne et l'Estonie.

Un accident nucléaire d'une ampleur historique

Six réacteurs nucléaires privés de système de refroidissement, deux cœurs probablement entrés en fusion : les défaillances graves survenues à la centrale nucléaire de Fukushima Dai-Ichi à la suite du séisme qui a touché le nord-est du Japon et du tsunami qui s'en est suivi, ont déjà placé l'accident à 4 sur l'échelle des événements nucléaires et radiologiques (INES) ; il pourrait atteindre à terme le niveau 5 ou 6. Selon le président de l'Autorité de sûreté nucléaire française, André-Claude Lacoste, l'accident a atteint un niveau de gravité "au-delà de Three Mile Island sans atteindre Tchernobyl".

* Tchernobyl, le scénario catastrophe

La catastrophe la plus grave du nucléaire civil s'est produite le 29 avril 1986, lorsqu'une réaction en chaîne due à une série de dysfonctionnements a conduit à l'explosion du réacteur n°4 de la centrale, en fonctionnement. Le nombre exact de morts liées à la contamination massive qui s'est produite est, encore aujourd'hui, difficile à estimer. Une trentaine de personnes sont mortes par irradiation aiguë, mais le bilan définitif de la catastrophe se chiffre probablement en milliers de morts, principalement par cancers. Cet accident est le seul à ce jour classé au niveau 7 – le plus élevé – de l'échelle internationale, qui qualifie les "accidents ayant des effets considérables sur la santé et l'environnement".

Un scénario du type Tchernobyl est a priori écarté au Japon : les réacteurs des centrales situées dans la zone touchée par le séisme se sont arrêtés dès les premières secousses. Si les enceintes extérieures de deux d'entre eux ont volé en éclat, les enceintes de confinement ont pour l'instant tenu bon. Ils ne sont pas pour autant sans danger : privés de leurs circuits de refroidissement, les cœurs de deux d'entre eux ont commencé à fondret.

* Fusion du cœur : le cas de Three Mile Island

Ce phénomène de fusion s'est déjà produit lors de l'accident de Three Mile Island, en 1979 aux Etats-Unis, étudié en détail depuis, notamment par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français. C'est sans doute celui qui présente le plus de similitudes avec la situation critique que connait Fukushima. Conséquence d'une série de défaillances dans le circuit de refroidissement, une partie du combustible présent dans le cœur est entré en fusion. Comme à Fukushima, le cœur du réacteur, normalement baigné d'eau en permanence, s'est progressivement retrouvé à nu.

A Three Mile Island, les opérateurs avaient fini par rétablir une circulation d'eau permettant le refroidissement, plusieurs heures après le début de l'incident. Malgré la gravité de ce dernier – 140 000 personnes furent évacuées autour de la centrale –, classé 5 sur l'échelle INES, son impact a été limité. L'enceinte de confinement, restée intègre, a maintenu isolées les matières radioactives. C'est cette situation stable que tentent d'atteindre les opérateurs des trois réacteurs japonais en situation critique, en injectant de l'eau de mer dans les réacteurs.
En France, l'incident le plus sérieux était aussi lié à une fusion partielle – moins étendue que dans le cas de Three Mile Island – d'un cœur de réacteur : celui de la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher, le 13 mars 1980. Classé 4 sur l'échelle INES, l'accident avait gravement endommagé la centrale mais n'a pas été considéré comme présentant un risque important hors du site, et n'a pas fait de victime.

* De Tokaimura à Mihama, les précédents japonais

Fortement nucléarisé avec 55 réacteurs en fonctionnement, le Japon a déjà connu des accidents meurtriers par le passé : en septembre 1999, deux ouvriers périrent à l'usine de fabrication de combustible de Tokaimura. Les deux techniciens avaient provoqué involontairement un accident de criticité – réaction nucléaire incontrôlée – en utilisant une quantité d'uranium beaucoup plus importante que prévu au cours du processus de fabrication.

Plus de 600 personnes, employés et riverains, furent exposées à des radiations et quelque 320 000 personnes furent évacuées. Deux ans plus tôt, sur le même site, un incendie et une explosion dans un centre de retraitement avaient entraîné l'irradiation de 37 personnes. Plus récemment, le 9 août 2004, dans la centrale nucléaire de Mihama, cinq employés moururent brûlés par de la vapeur non radioactive échappée d'une canalisation rompue à la suite, vraisemblablement, d'une importante corrosion.

Mais l'accident de Fukushima demeure exceptionnel par son ampleur : trois réacteurs sont à ce jour dans une situation critique. Environ 185 000 habitants des zones proches des centrales nucléaires ont été évacués lundi, tandis que les autorités japonaises ont, par mesure de précaution, approvisionné les centres d'évacuation en iode – afin de prévenir les intoxications à l'iode radioactif.

Aux limites du site, à environ 2 km des deux réacteurs dont le toit a été soufflé, une balise a donné samedi, pendant un rejet volontaire destiné à limiter la hausse de pression dans les enceintes de confinement, une indication de rayonnement gamma correspondant à 10 000 fois la radioactivité gamma ambiante.